Lorsque l’on parle du complexe d’Œdipe, les réactions sont souvent étonnées, voire franchement dédaigneuses. C’est quoi cette histoire dans laquelle l’enfant est amoureux d’un parent et rival de l’autre ?
Si le complexe d’Œdipe est nécessaire, c’est que l’enfant commence sa vie dans une situation triangulaire. En effet, on imagine que la relation primordiale de l’enfant à la mère est symbiotique, parfaite, harmonieuse. La psychanalyse nous apprend qu’il n’y a là qu’illusion (c’est-à-dire, au sens freudien, une croyance à laquelle on adhère pour le confort psychologique qu’elle procure).
En effet, très tôt, l’enfant ne peut que faire l’expérience de l’alternance de la présence et de l’absence de sa mère. Dès lors, il est confronté au fait qu’il ne la comble pas, puisqu’elle part. Autrement dit, il repère que sa mère a un autre objet de désir que lui-même.
Désir de l’enfant pour la mère, désir de la mère pour l’enfant, et désir de la mère pour autre chose que l’enfant : voilà la première triangulation fondant la réalité psychique.
Or, cela représente une frustration réelle, que l’enfant, avide de ce lien à l’autre qui lui assure la solidité du monde et que l’on nomme amour, ne peut accepter. Dès lors, il construit une image susceptible de combler la mère. Il s’aliène à ce qu’il croit être le désir cet autre. Cette image s’appelle le moi.
Mais, dans une structure familiale ordinaire, le père intervient comme métaphore du désir de la mère. Autrement dit, ce désir maternel pour autre chose que l’enfant s’incarne dans le nom-du-père, parce que la mère elle-même le désigne comme ce qu’elle désire. Cette signification phallique indique à l’enfant l’impossibilité qui est la sienne de combler le désir maternel, elle lui signifie qu’il est impuissant, elle le castre.
Pour accepter cette castration, l’enfant s’identifie au père. Autrement dit, il intègre son image à son psychisme sous la forme d’un idéal. Ainsi le surmoi, « héritier du complexe d’Œdipe » nous dit Freud, est créé comme recours devant la menace de castration. A l’enfant est faite la promesse que s’il est à la hauteur du nom-du-père, un jour la toute-jouissance, c’est-à-dire le fait d’être seul désiré et de combler l’autre, redeviendra possible. Mais évidemment, une telle symbiose relève de l’imaginaire et le manque persistera à jamais.
Or qu’est-ce qu’un manque, si ce n’est la condition de possibilité du désir ?
L’Œdipe est donc la clé de l’introduction du sujet à l’élaboration de son propre désir (lequel n’a rien à voir avec ses besoins, ses envies, ou encore sa volonté, mais correspond à la façon absolument singulière dont il formule sa demande d’amour) loin de l’assujettissement à la demande fantasmée de l’autre à laquelle l’hystérique s’aliène.
On le voit, ce n’est pas une lubie arbitraire que de placer l’Œdipe au cœur de la réalité psychique humaine. Ce n’est que la conséquence des relations concrètes du petit d’homme avec son entourage primordial (on remarque au passage que le fait que cet entourage soit hétérosexuel, homosexuel ou autre, n’est que de peu d’importance).
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